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Travailleurs étrangers - Les employeurs appréhendent une chasse aux sorcières

Date

2013-06-12

Authors

Marie Vastel

Abstract

Des inspecteurs mèneront des vérifications-surprises

Newspaper title

Le Devoir

Full text

Ottawa — Après les chômeurs, c’est maintenant les employeurs ayant recours à des travailleurs étrangers temporaires qui pourraient voir débarquer chez eux des fonctionnaires déployés pour vérifier que tout est en ordre. De prime abord, les agriculteurs et les restaurateurs ne sont pas nécessairement contre cette mesure, mais reste à voir l’ardeur avec laquelle le gouvernement mènera ses visites-surprises.

De part et d’autre, on reconnaît qu’il y a eu de l’abus dans le programme fédéral des travailleurs étrangers temporaires (TET). Ce fut le cas dernièrement de la Banque Royale, qui a fait les manchettes, l’institution ayant recruté des employés à l’extérieur du Canada pour ensuite congédier des Canadiens. Les représentants des industries agricoles et de la restauration - qui accueillent le plus grand nombre de TET au pays - sont prêts à voir des fonctionnaires du ministère des Ressources humaines mener des vérifications impromptues chez leurs membres. On craint cependant que le gouvernement fédéral ne serre la vis aux employeurs au point de nuire à leurs activités.

« À un moment donné, il ne faudrait pas non plus que ça vire à la chasse aux sorcières, parce qu’il n’en demeure pas moins qu’il y a un réel besoin dans certains secteurs pour faire appel à des immigrants pour pourvoir des postes ici », a fait valoir François Meunier, de l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ).

Les employeurs s’inquiétaient déjà - en restauration, en agriculture, mais aussi chez les minières et à la Chambre de commerce du Canada - de crouler sous les lourdeurs administratives. Car le gouvernement fédéral a annoncé, dans son budget ce printemps, qu’il faudrait à l’avenir que les entreprises présentent un plan démontrant qu’elles se doteront d’une main-d’oeuvre toute canadienne et que le recours à ces employés n’est que provisoire. Les frais de traitement des demandes d’embauche de TET et des permis de travail ont aussi été augmentés.

Or voilà que s’ajoutent des visites-surprises. Dans le cadre de sa réforme du programme des TET, le gouvernement conservateur chargera désormais ses fonctionnaires chez Service Canada de mener des vérifications impromptues dans les entreprises appelant cette main-d’oeuvre étrangère en renfort. Ils mèneront des vérifications aléatoires ou dans des entreprises où ils soupçonnent des cas de fraude ou un non-respect des droits des employés. Les fonctionnaires pourront « examiner toute chose qui se trouve sur les lieux », interroger employeurs et employés, demander de voir des documents, en exiger des copies, et prendre des photos ou faire des enregistrements vidéo ou audio, annonçait le fédéral dans la Gazette du Canada de samedi. Les autorités auront besoin d’un mandat seulement lorsque ces visites seront menées dans des propriétés privées. Les employeurs fautifs seront punis, pouvant même se voir refuser le recours à des TET pendant deux ans.

M. Meunier patientera avant de s’inquiéter outre mesure, car « peut-être qu’on se donne les pouvoirs de le faire pour essentiellement s’assurer qu’on respecte ce pour quoi le programme a été créé ». Mais si les vérifications sont nombreuses et « si la machine devient trop lourde, ça va avoir des impacts négatifs sur la performance d’un secteur comme le nôtre », a-t-il prévenu dans un entretien téléphonique avec Le Devoir.

Déjà, certains restaurateurs peinent à répondre à la demande. M. Meunier cite des cas à Québec, lors des célébrations du 400e de la fondation de la ville, alors que certains restaurants ont été contraints de réduire leurs heures d’ouverture. « En Alberta, il y a des restaurants 24 heures qui n’ouvrent plus 24 heures. C’est comme ça que ça commence. On réduit l’offre à la clientèle », explique-t-il, notant qu’il y aura 35 000 postes à pourvoir dans le secteur d’ici 2030 au Québec uniquement.

À l’Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires (ACRSA), on accepte aussi ces vérifications-surprises, d’autant plus qu’on en reçoit déjà pour vérifier la salubrité des aliments. Mais pour le président Garth Whyte, la saisie de documents « semble extrême ». Comme son collègue M. Meunier, il craint de voir des employeurs sans reproche être punis eux aussi par les règles plus strictes imposées au programme fédéral. « On ne devrait pas utiliser un canon pour tuer une mouche », a-t-il dit au Devoir.

Du côté du secteur agricole, on a bon espoir d’être épargné par Ottawa, puisque l’industrie a été exemptée d’une bonne partie de la réforme du gouvernement ce printemps, laquelle reconnaissait la pénurie de main-d’oeuvre locale dans le domaine. Les visites inopinées ne sont pas non plus une grande préoccupation, mais il faudra qu’Ottawa s’abstienne d’encombrer les champs québécois en pleine période de pointe, comme lors des récoltes. « Il y a une certaine responsabilité d’utiliser ces pouvoirs-là à bon escient », a noté Denis Roy, de l’Union des producteurs agricoles.

L’opposition veut des détails

La secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources humaines, Kellie Leitch, a esquivé les questions des médias hier. Son ministère a expliqué, en fin de journée, que « ces réformes consolident l’observation et la surveillance afin d’assurer que le programme soit utilisé à bon escient. Des enquêtes seront menées au besoin auprès d’entreprises qui font appel à des travailleurs étrangers temporaires, et les employeurs y consentent lorsqu’ils présentent une demande d’avis sur le marché du travail ». On soutient en outre vouloir s’assurer que l’employeur respecte « les modalités de l’offre d’emploi originale faite au travailleur étranger temporaire en ce qui concerne le salaire, l’occupation et les conditions de travail ».

Le bloquiste André Bellavance s’inquiète toutefois du peu de détails offerts quant aux vérifications que mèneront les fonctionnaires, d’autant plus que ces nouvelles mesures ont été publiées en catimini dans la Gazette du Canada. « Il faut faire attention de ne pas laisser carte blanche au gouvernement fédéral, parce qu’on connaît sa propension à aller avec ses gros sabots et déterminer à l’avance que les gens sont coupables », a-t-il indiqué, appelant Ottawa à ne cibler que les entreprises qui ont attiré les soupçons.

Du côté des néodémocrates et des libéraux, on a reproché aux conservateurs d’avoir causé eux-mêmes les débordements qu’on connaît aujourd’hui en ouvrant grandes les vannes de ce type d’immigration. « Ça montre l’état de panique auquel est arrivé le gouvernement conservateur […] Ils ont laissé pourrir la situation pendant des années, ils ont complètement perdu le contrôle de ce programme, et là ils vont encore dans la répression », a accusé Alexandre Boulerice, du NPD. Le chef libéral, Justin Trudeau, a quant à lui reproché au gouvernement conservateur de faire « n’importe quoi pour montrer de l’action, sans avoir de plan concret ».

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