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Quand Saint-Rémi devient San Remi

Date

2010-07-31

Authors

Mélissa Guillemette

Abstract

En pleine Montérégie, par un beau dimanche d'été, la moitié des passants que vous croisez dans la rue vous disent hola plutôt que bonjour. Bienvenue à Saint-Rémi, où 2500 travailleurs agricoles mexicains et guatémaltèques s'ajoutent à la population des environs le temps des récoltes. Une rencontre entre deux cultures, bien loin des quartiers multiethniques urbains.

Newspaper title

Le Devoir

Full text

En pleine Montérégie, par un beau dimanche d'été, la moitié des passants que vous croisez dans la rue vous disent hola plutôt que bonjour. Bienvenue à Saint-Rémi, où 2500 travailleurs agricoles mexicains et guatémaltèques s'ajoutent à la population des environs le temps des récoltes. Une rencontre entre deux cultures, bien loin des quartiers multiethniques urbains.

La plate-bande qui accueille le visiteur à l'entrée de la municipalité de Saint-Rémi donne le ton: des plantes disposées en cercle dessinent un sombrero en trois dimensions. C'est que cette ville, située à une quinzaine de kilomètres de Montréal, est surnommée «San Remi» en raison des 2500 travailleurs agricoles d'Amérique latine qui déferlent dans ses environs pour six à huit mois.

Ce sont surtout des Mexicains et des Guatémaltèques qui en peuplent les champs au temps des récoltes, en raison d'ententes entre le Canada et ces deux pays. Quelques Québécois s'y ajoutent, évidemment, parfois pas pour longtemps. L'auteure de ces lignes a travaillé à la cueillette de fraises à Saint-Rémi dans son adolescence, pour un total de trois jours. Pas facile, la vie dans les champs, qu'elle se disait, après avoir amassé une vingtaine de dollars pour une dernière matinée de dur labeur.

Pour les travailleurs venus du Sud, ce travail au salaire minimum (9,50 $ l'heure) est une chance de faire vivre leur famille. Les heures passées au soleil ne les effraient pas. «Si le patron dit qu'on commence à 6h et qu'on finit à 20h, on le fait, explique Abundo Lopez, un travailleur mexicain à la longue chevelure noire qui partage une chambre avec huit autres hommes. Si le patron dit qu'on commence à 8h et qu'on finit à 15h, c'est pareil.»

Une ville qui «baragouine»

Le maire de Saint-Rémi, Michel Lavoie, estime que les travailleurs agricoles font partie du paysage de la municipalité de 6000 âmes. «À l'initiative d'un Mexicain, on a maintenant un festival qui met la culture mexicaine en avant. On a même célébré une messe en espagnol [en juin].» M. Lavoie, qui «baragouine» l'espagnol, reconnaît l'apport des Mexicains et des Guatémaltèques dans la région. «Au moins trois commerces ont été créés pour eux à Saint-Rémi ces dernières années. C'est certain qu'ils participent à notre économie. Ils utilisent nos institutions financières et achètent du linge dans nos commerces.»

Les travailleurs agricoles assurent que leur relation avec les citoyens de Saint-Rémi est amicale. «J'adore les gens du Canada, raconte Abundio Lopez. C'est certain qu'avec la langue, c'est difficile, mais on se salue.» «Et c'est beaucoup plus tranquille ici qu'au Mexique. Ce n'est pas violent», ajoute Isaias Carrillon Rgoez, père de quatre enfants qui revient au Québec depuis six ans pour récolter laitues, céleris et oignons.

À l'épicerie de Saint-Rémi, où les pots de salsa sont nombreux pour un marché de cette taille, deux employées réfléchissent avant de décrire la relation que la population entretient avec les nouveaux venus. «Je dirais qu'il y a un écart entre nous et les travailleurs agricoles, racontent Mélodie Champagne et Carol-Ann Poissan, derrière leur comptoir à pain. On n'est pas très proches d'eux. On les sert du mieux qu'on peut, mais on ne parle pas espagnol. De toute façon, c'est plus à eux d'apprendre le français, il me semble.»

Pas facile pour les travailleurs d'apprivoiser la langue de Molière. S'ils connaissent souvent les mots «oignon», «concombre» et «laitue», seule une poignée se débrouille en français. L'horaire de travail n'est pas favorable à l'apprentissage d'une nouvelle langue.

C'est entre autres dans cette épicerie que les citoyens du coin et les travailleurs ont rendez-vous les jeudis soirs. Des bus amènent les travailleurs dans la rue commerçante de la ville: c'est le jour des courses. «Disons que ça fait des bourrés! dit en rigolant Véronique Thibault, qui fait ses emplettes avec son fils. On s'arrange pour ne pas venir les jeudis parce que c'est stressant. Les travailleurs doivent se dépêcher pour faire leur épicerie, parce que les autobus les attendent dehors.» Elle raconte d'ailleurs que la caisse populaire ouvre désormais le mercredi soir pour diminuer le flux du jeudi soir.

Des droits à surveiller

Ça bouge, ces temps-ci, pour les travailleurs agricoles, et pas seulement parce que c'est le temps des récoltes. En avril, la Commission des relations du travail a reconnu le droit de six employés saisonniers d'une ferme de Mirabel de se syndiquer et ils attendent maintenant la révision de la Cour suprême, demandée par l'employeur. De plus, deux ans après la création d'un centre d'appui permanent pour les travailleurs agricoles à Saint-Rémi, le premier au Québec, un deuxième vient de s'établir à Saint-Eustache.

Les travailleurs peuvent y trouver une multitude d'informations sur leurs droits et de l'aide. «Remplir le formulaire le plus simple est très complexe quand on ne parle pas français», rappelle la coordonnatrice du centre de Saint-Rémi, Marie-Jeanne Vandoorne. Elle raconte que son travail aide à prévenir, ou déceler, les abus. Comme l'histoire de ce travailleur qui devait récemment faire une photocopie de son visa pour obtenir ses bénéfices parentaux. C'est sa patronne qui conserve les visas et les passeports de ses employés, une pratique qui désole le centre d'appui. «Elle lui a demandé 20 $ pour qu'il puisse aller faire une photocopie de son propre passeport. Et il a payé parce qu'il pensait que c'était normal.»

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