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Les travailleurs temporaires trop «captifs» de leur emploi pour apprendre le français

Petsa

2022-05-13

Buod

Les travailleurs temporaires trop «captifs» de leur emploi pour apprendre le français

Malgré les efforts du gouvernement pour étendre la francisation aux immigrants au statut temporaire, ceux-ci font face à un trop grand nombre d’obstacles à l’obtention d’un niveau de français qui leur permettrait de fonctionner dans la vie de tous les jours. Cette situation fait d’eux une « main-d’œuvre captive » et rend difficile, voire impossible, le rêve de certains de s’établir de manière permanente au Québec, démontre une étude qualitative de l’Université Laval.

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Les travailleurs temporaires trop «captifs» de leur emploi pour apprendre le français

Malgré les efforts du gouvernement pour étendre la francisation aux immigrants au statut temporaire, ceux-ci font face à un trop grand nombre d’obstacles à l’obtention d’un niveau de français qui leur permettrait de fonctionner dans la vie de tous les jours. Cette situation fait d’eux une « main-d’œuvre captive » et rend difficile, voire impossible, le rêve de certains de s’établir de manière permanente au Québec, démontre une étude qualitative de l’Université Laval.

« Suivre des cours de français quand on travaille à temps plein, en pleine pénurie de main-d’œuvre et avec la pression de faire plus d’heures, c’est extrêmement lourd », indique la professeure en travail social Stéphanie Arsenault, qui a présenté au congrès de l’ACFAS les résultats préliminaires d’une étude réalisée avec ses collègues de l’Université Laval. « Et pour ceux qui ont des enfants, c’est un défi extrêmement grand. »

Elle cite le cas d’un soudeur travaillant dans une usine de Québec, interrogé dans le cadre de l’étude, qui travaille de 15 h à minuit, se couche vers 2 h du matin après avoir pris une bouchée et se retrouve en cours de français le lendemain de 8 h 15 à 12 h 15. « Il nous disait : “Moi fatigué, moi trop fatigué, moi tellement fatigué…” Il dort quatre heures par nuit et n’a le temps pour rien d’autre », rapporte Mme Arsenault.

Ce témoignage, ainsi que ceux d’une dizaine d’autres travailleurs, étudiants étrangers et demandeurs d’asile de Québec, révèle ce qui motive les immigrants à s’inscrire à un cours de français. « Unanimement, ils disent que c’est pour bien faire leur travail. Parce que même s’ils ont été embauchés, ils n’ont pas le niveau de français suffisant », explique la chercheuse. « Une préposée aux bénéficiaires disait qu’elle pouvait nommer les articles utiles à son travail, mais qu’elle ne pouvait pas converser avec les personnes dont elle prenait soin. »

Selon les plus récentes données, le Québec a accueilli un total de 136 000 résidents temporaires en 2019, dont près de la moitié étaient des travailleurs. Dans cette dernière catégorie, 74 % des personnes accueillies par l’intermédiaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires ne connaissaient pas le français à leur arrivée. Sur les 56 000 étudiants étrangers venus au Québec, près de 50 % ne parlaient pas le français.

Rêver de la résidence permanente

Au-delà de vouloir bien faire leur travail ou discuter avec le médecin ou le garagiste, les travailleurs temporaires ont une autre grande motivation à apprendre le français : s’installer au Québec de manière permanente et s’y épanouir professionnellement. « Ils viennent comme temporaires, mais ce n’est pas un statut ou une situation qu’ils envisagent de conserver ad vitam aeternam », soutient Stéphanie Arsenault.

La semaine dernière, en commission parlementaire, le ministre de l’Immigration, Jean Boulet, a soutenu que les travailleurs temporaires « ne veulent pas tous rester de manière permanente ». Il a cité en exemple le cas des travailleurs agricoles. À son avis, « c’est une minorité qui veut rester au Québec de façon permanente ».

Pour la professeure de l’Université Laval, il s’agit là d’une fausse représentation de la réalité, puisque les travailleurs agricoles saisonniers n’ont jamais eu la possibilité de venir avec leur famille. « Comment auraient-ils pu envisager de rester ici de façon permanente ? » souligne-t-elle.

Mais encore, pour espérer devenir résident permanent, notamment par l’entremise du Programme de l’expérience québécoise, les travailleurs agricoles doivent démontrer qu’ils ont le niveau 7 en français, ce qui n’est pas une mince tâche pour ces employés qui travaillent sans relâche, parfois six jours sur sept. « L’accès à la francisation pour les travailleurs agricoles saisonniers, c’est de l’ordre du théorique. Dans la réalité, ils n’ont ni le temps ni l’énergie pour apprendre le français », note la chercheuse. « C’est un groupe de main-d’œuvre captive », ce qui l’empêche d’accéder à de la formation et nuit à sa mobilité professionnelle et géographique.

En 2019, 40 500 résidents permanents ont été admis au Québec, soit trois fois moins que le nombre d’immigrants au statut temporaire. Répondant à l’appel du milieu économique, le ministre Boulet met beaucoup d’efforts pour augmenter le nombre de ces arrivants au statut précaire. « Pour moi, voir les immigrants d’abord et avant tout comme de la main-d’œuvre est une fausse piste », affirme Mme Arsenault, qui estime d’ailleurs que la multiplication des travailleurs temporaires est « problématique ».

« On rend l’accès au statut permanent de plus en plus conditionnel à un passage transitoire par le statut temporaire, comme si les immigrants avaient quelques années de probation à faire à leurs frais… et à leurs risques et périls. »

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