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Aides familiales résidentes au Canada : un programme pas toujours avantageux

Petsa

2014-03-03

May-akda

Sandrine Corbeil

Buod

Majoritairement des femmes, les aides familiales résidantes viennent par milliers chaque année au Québec et au Canada par le biais du Programme des aides familiales résidantes (PAFR). Créé en 1992 par le gouvernement fédéral, le PAFR permet aux ménages canadiens d’embaucher des ressortissants de pays étranger dans le but d’accomplir différentes tâches au sein du foyer. Malgré les réformes pour améliorer leurs conditions de travail, ces travailleuses sont victimes d’abus et se retrouvent fréquemment dans des situations précaires.

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L’attrait du PAFR est qu’il permet à ces femmes de faire une demande de résidence permanente, qui inclut conjoint et enfants, après avoir travaillé pendant deux ans, soit 24 mois ou 3 900 heures, au cours des quatre premières années suivant leur arrivée au Canada, une option qui n’est pas offerte aux autres travailleurs étrangers temporaires.

Alors qu’au départ ces travailleuses étaient exclues de la majorité des protections offertes par la loi, des réformes ont progressivement été apportées au PAFR. Ainsi, elles bénéficient dorénavant des mêmes conditions de travail que les Québécois et Québécoises prévues par la Loi sur les normes du travail du Québec, telles que le taux de salaire minimum de 10,15$/heure, la semaine normale de 40h, les heures supplémentaires payées au taux et demi, les jours fériés officiels, etc.

Des mesures non respectées

Malheureusement, tous les employeurs ne respectent pas ces balises légales et trop souvent, les heures supplémentaires ne sont pas payées, comme l’explique Evelyn Calugay de l’Organisation des femmes Philippines du Québec (PINAY). Par conséquent, ces heures supplémentaires non payées par l’employeur ne seront pas comptabilisées dans le décompte des heures nécessaires afin de présenter une demande de résidence permanente.

Cela peut s’expliquer par le fait qu’il n’existe pas de frontière bien délimitée entre le d’aide familiale résidante travail et la vie privée. En effet, les femmes qui exercent ce métier doivent obligatoirement résider dans la maison de la personne à qui elle prodigue des soins. Selon Margo Legault, coordonnatrice à l’Association des Aides Familiales du Québec, « le fait d’imposer l’obligation de résidence met les travailleuses dans une position de vulnérabilité dès le départ. ». Il serait donc préférable qu’il soit le fruit d’une négociation entre employeur et employé, affirme la coordonnatrice.

Par ailleurs, le fait que le permis de travail soit nominatif, c’est-à-dire, qu’il soit rattaché à l’employeur, ajoute à cette relation de dépendance. En effet, alors que ces dernières peuvent techniquement changer d’employeur, dans les faits, si elles décident de quitter leur emploi, elles doivent à nouveau entamer le processus d’obtention d’un permis de travail, ce qui peut prendre jusqu’à 8 mois, explique Margo Legault. Entre temps, ces dernières n’ont plus de revenu ni de logement, sont considérées comme étant sans statut et n’ont plus accès aux différentes protections telles que l’assurance-maladie. C’est pourquoi, selon Margo Legault, il serait préférable d’émettre un permis sectoriel et non nominatif aux aides familiales résidentes.

Accidents de travail

Un autre problème réside dans l’exclusion des aides domestiques dans la définition de « travailleur » de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Par conséquent, les aides familiales résidentes ne sont pas automatiquement couvertes par la CSST comme tous les autres travailleurs-euses du Québec. Alors que c’est normalement une tâche réservée à l’employeur, elles doivent elles-mêmes s’inscrire à la CSST et cotiser. Cette exclusion du régime collectif de protection en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles a d’ailleurs été qualifiée de triplement discriminatoire, en raison de leur sexe, de leur condition sociale, de leur origine ethnique ou de leur race, dans un avis de la Commission des droits de la personne datant de 2011.

Il existe toutefois une clause obligatoire dans le contrat de travail des aides familiales qui stipule que l’employeur accepte d’inscrire l’employée à la CSST et s’engager à verser les cotisations requises. L’aide familiale peut donc poursuivre au civil en vertu de cette obligation contractuelle. Cependant, comme l’explique Margo Legault, il s’agit ici d’une personne blessée, souvent en arrêt de travail et donc sans revenu, qui doit défrayer elle-même les frais d’avocat et attendre des délais importants.

Impuissance et genre

Tous ces facteurs, conjugués à l’ignorance vis-à-vis de leurs droits et à la peur des représailles, amènent ces femmes à garder le silence et à accepter des conditions de travail injustes. Pour celles qui se plaignent auprès de leur agence de placement, cela les met dans une situation délicate où la peur du renvoi est quotidienne. En dernier recours, celles-ci peuvent toujours soumettre une plainte auprès de la Commission des normes du travail, mais il est difficile pour ces dernières de monter une preuve. « Celles-ci n’ont souvent que leur parole ou quelques écrits dans leur journal intime », précise Evelyn Calugay du PINAY.

L’appellation même de ce programme en révèle beaucoup sur la perception des tâches domestiques. En effet, on fait référence aux termes « aide » ou « assistance » plutôt qu’au travail à proprement dit. Cette non-reconnaissance du travail domestique comme « vrai travail » découle du postulat genré qui veut que les femmes soient naturellement porter à assumer les tâches ménagères. Ce transfert des tâches domestiques du Sud au Nord et de l’Est à l’Ouest contribue à reproduire les inégalités de genre.

Cette situation est d’autant plus exacerbée dans un contexte de désinvestissement de l’État quant à la prise en charge des enfants ou des personnes âgées, tel que l’a annoncé le Parti Québécois avec ses mesures d’austérité faisant passer le coût des garderies à 8$ puis 9$ en 2015. Alors que la ministre du Travail et ministre responsable de Condition féminine, Agnès Maltais, s’est dite préoccupée par la situation des travailleuses domestiques, rien n’a encore été fait.

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